C’est un des rares livres littéraires vivants, agréables à relire, de la philosophie française, et où l’on sent le camarade d’About et de Paradol, de Sarcey et de Weiss. Un esprit digne du XVIIIe siècle était employé à rappeler l’attention sur une philosophie du XVIIIe siècle, celle des idéologues. Les Philosophes débutent par un portrait charmant de Laromiguière, dont la conclusion contient en germe la théorie de l’Ancien Régime sur l’esprit classique. « On a dit que le propre de l’esprit français est d’éclaircir, de développer, de publier les vérités générales. S’il en est ainsi, l’idéologie est notre philosophie classique, elle a la même portée et les mêmes limites que notre talent littéraire ; elle est la théorie dont notre littérature fut la pratique ».
Cette philosophie classique que Taine entend assimiler, c’est l’analyse. Analyse des mots qui consiste (« Tout abstrait est un extrait ») à traduire toujours les mots en choses, pour n’en être pas la dupe, le verbalisme de Cousin faisant ici, pour de jeunes esprits critiques, fonction d’esclave ivre. Analyse des choses, c’est-à-dire transformation des « grosses masses d’objets qu’aperçoit l’expérience vulgaire en un catalogue circonstancié et détaillé des faits chaque jour plus décomposés, plus nombreux ».
Mais en même temps qu’il entend assimiler cette philosophie, il connaît et sent dans le puissant acquis européen du XIXe siècle ce qui lui permettra de la dépasser : dépasser l’esprit d’analyse en le complétant par l’esprit de synthèse (c’est le thème du dernier chapitre, le dialogue de M. Pierre et de M. Paul) — dépasser l’idéologie française par l’association-