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poète que le Parnasse liquida. Mais il ne le liquida qu’en le remplaçant. La popularité de Coppée, comme celle de Béranger se rattache à la mystique française du petit, à l’accent religieux que prend ce mot au titre d’un journal ou dans un discours politique. C’est d’ailleurs au titre du recueil coppéen de 1872, les Humbles, que le langage officiel a dû un mot dont il abuse, et auquel Jules Lemaître trouvait à bon droit quelque chose de cafard. Les innombrables récits de Coppée, genre Grève des Forgerons, ont formé une sorte de romancero du petit, peu original, car il est tout entier déjà dans Sainte-Beuve, et à l’aide duquel Coppée a reculé certaines bornes de la niaiserie. Mais il reste bon Parnassien, même grand Parnassien, par une forme parfaite, par des ressources toujours renouvelées d’atelier, où l’on sent la main experte de l’ouvrier parisien (il était d’ailleurs d’origine belge). Ce n’est pas dans le même sens que nous appellerons Coppée comme Baudelaire poète de Paris : le nom, tout de même, lui convient exactement.

Sully-Prudhomme reste le poète le plus considérable de ce Parnasse héritier. Nul évidemment n’est moins baudelairien que ce conformiste sage, ce bourgeois renfermé et prudent, ce rationaliste pur. Cependant il a, comme Baudelaire, réagi contre le convenu romantique. Il s’est tourné vers le dedans. Il a été un poète psychologue, une sorte de Jouffroy parnassien : précis, méticuleux, timide, inquiet. Les vers nombreux qu’il a consacrés à un amour méconnu ne nous touchent plus guère, ne lui ont valu qu’une place minime parmi les poètes de l’amour. Mais beaucoup de ses pièces en stances ont donné avec détail, ligne et clarté, le modèle de la pointe-sèche psychologique. Le poème de la Justice reste un beau dialogue de l’âme avec elle-même, contient des sonnets admirables. On n’en dirait pas autant de son épopée du Bonheur, son effort le plus considérable, et son échec le plus complet.

Liaisons romantiques.
Il faut compter Anatole France parmi les poètes parnassiens. Les Poèmes dorés sont un des bons produits de l’école. Et puis, chez Lemerre où il tint longtemps une place de factotum, c’est lui qui en 1876 s’occupa de choisir les poètes du Troisième et dernier Parnasse contemporain. Et enfin la liaison des biblio-