Ces normaliens sont des jeunes gens qui savent beaucoup et le premier d’entre eux, Taine, passe pour tout savoir. Ils sont ambitieux, ils désirent et ils connaîtront la vie. Ce n’est pas un hasard si l’un d’entre eux, Planat, fonde la Vie Parisienne. Laissant tomber l’oratoire et le transcendant du romantisme, ils sont d’autre part la première génération intellectuelle qui découvre Stendhal et Balzac, qui les digère comme système de vie et d’expérience des hommes. La cloche du réveil, rue d’Ulm, dit à ces jeunes bourgeois ce que le domestique du comte de Saint-Simon avait ordre de dire chaque matin à son maître : « Levez-vous, Monsieur le Comte, vous avez de grandes choses à accomplir. » Les consignés du jeudi et du dimanche ont droit à un livre de Balzac qui leur est offert par les camarades libres. Leur Julien Sorel c’est Paradol, qui publie en 1851, son premier livre : Conseils à un jeune homme, du Choix d’un parti, sous le pseudonyme de Lucien Sorel, et qui écrit alors : « Je ne reculerai devant aucune crainte pour sortir de ma médiocrité, et pour entrer dans le monde, qu’il faut prendre d’assaut ». Taine écrira sur Balzac et Stendhal les deux articles qui indiquent qu’ils ont doublé le cap et trouvé leur public. Le désarroi de Sainte-Beuve devant ces articles suffit à indiquer qu’il est de l’autre temps.
En 1871 les Renan, les Taine, les Flaubert, les Goncourt, les Dumas, tous ceux dont la jeunesse a commencé avec la retraite de Louis-Philippe, ont dépassé de peu la quarantaine :