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pathie admirative pour les institutions anglaises, une fidélité genevoise à une sorte de doublet anglo-français de la sagesse politique. La révolution de Juillet, conçue strictement comme un 1688 français, fournira le couronnement, la confirmation puis la maison mère de ces vues. La Révolution de 1848, comme en 1877 le 16 mai, révéleront un malentendu entre ce groupe et le pays, rendront sensible dans ces idées une part étrangère, moitié d’outre-Jura et moitié d’outre-Manche, et que le Français moyen n’assimile pas.

Une œuvre. Si les Leçons du grand doctrinaire ont vieilli, c’est qu’elles ont été absorbées, assimilées dans ce qu’elles avaient d’assimilable. Mais il peut rester de lui cette grande Histoire de la Révolution d’Angleterre commencée en 1827, quand l’actualité lui désignait le mieux ce sujet (qu’il préparait d’ailleurs depuis plusieurs années par les traductions des Mémoires anglais de cette époque) et qu’il n’acheva qu’après 1848. D’une belle intelligence politique, elle abonde en narrations fortement déroulées, en grandes scènes à la manière classique. De Thou s’y trouverait de plain-pied.

L’Histoire
pittoresque
.
C’est qu’entre-temps Augustin Thierry et Prosper de Barante avaient fait lire et applaudir une histoire qui était au livre à la mode, le roman, ce que l’histoire oratoire et philosophique était à la chaire. Marchangy et le genre troubadour avaient mis les récits du moyen âge à la mode. Entre ces récits romancés et l’histoire critique, Barante et Thierry créèrent l’histoire pittoresque par tableaux, narrations, portraits, qui n’était pas romancée puisque les chroniques en fournissaient tous les éléments, et qui offrait, par un style évocateur, au lecteur et surtout à la lectrice, un agrément sans fiction, égal à celui qu’on trouvait dans la lecture de Walter Scott.
Barante.
Dans l’Histoire des Ducs de Bourgogne dont le premier volume parut en 1814, le dernier en 1826, Barante avait trouvé un sujet privilégié. C’est une riche et pittoresque époque que celle des quatre ducs de la maison de Valois, et presque toute leur histoire tient dans quatre chroniqueurs, Froissart, Chastellain, Monstrelet, Comines, qu’il a suffi à Barante d’arranger en beau français. L’œuvre se lit encore avec plaisir, et l’on n’y trouve guère d’erreurs