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rable de textes historiques, et surtout de mémoires, en dirigeant chez les libraires les grandes collections où ces textes étaient publiés et traduits. C’est appuyé sur des fondements solides que, par ses deux séries de cours, ceux de 1820 et ceux de 1828, il installe dans l’histoire une date, un acte, une œuvre.

Une date. Il a fait descendre dans l’histoire générale cet art et ce système staéliens des Considérations, qui ne sont autre chose que le principe de l’intelligibilité des faits, des catégories de l’esprit appliquées au divers de la durée historique. Ainsi faisait en Allemagne, à la même époque, Hegel, avec plus de génie créateur, mais avec un moindre sens du réel. L’Histoire du système représentatif, les Essais sur l’Histoire de France, l’Histoire de la Civilisation en Europe, ce n’est pas, comme la Philosophie de l’Histoire de Hegel, l’histoire de l’Idée, mais c’est l’animation et le classement de l’histoire par quelques grandes idées, celle de la féodalité, celle du gouvernement représentatif, celle de la classe moyenne, celle de l’équilibre entre les poussées de l’association et de la liberté. Il y a encore, à l’Académie des Sciences Morales, une Section de l’Histoire Générale et Philosophique. Nous ne savons plus guère ce que c’est. Mais si Guizot, dans cette chaire de la Sorbonne qu’il occupe, avec des interruptions dues à la politique, de 1812 à 1830, n’a pas créé le mot, il a donné l’exemple de la chose, il l’a établie avec une véritable puissance d’institution.

Un acte. Homme politique, Guizot n’a pas séparé l’histoire du passé qu’on expose, et l’histoire à vivre, à faire, à continuer. Il a demandé à l’histoire des instructions pour le présent. Comme il y avait la Doctrine du trône et de l’autel, il y eut pour lui la doctrine de la chaire et du pouvoir. Quand la chaire lui manqua, le divan des doctrinaires le suppléa, Royer-Collard au milieu, Guizot et les Broglie à côté de lui. Les Doctrinaires ont une doctrine de gouvernement fondée sur une certaine conception très sérieuse de la nature humaine, où le jansénisme de Royer s’accorde avec le calvinisme de Guizot et la religiosité de Necker, — sur une certaine idée de l’histoire de France, conçue comme une marche vers un libéralisme éclairé, surveillé, — sur une sym-