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XVI
LES RÉGENTS
Dans le monde des Professeurs.
Les régents intellectuels de norte âge : c’est un nom que Sainte-Beuve aimait à donner aux trois professeurs de Sorbonne, Guizot, Villemain et Cousin, soit la Doctrine, l’Académie, l’École. Nés presque en même temps, Guizot en 1787, Villemain en 1790, Cousin en 1792, contemporains de Lamartine, ces trois brillants élèves, ces trois précoces lauréats, furent à la fois les représentants et les professeurs de leurs camarades d’âge. Nous disons les professeurs et non les maîtres. Une génération trouve parfois ses maîtres chez elle-même, mais toujours dans la génération précédente les professeurs par lesquels et contre lesquels elle se fait. Le cas de la génération qui, en 1820, tire d’elle-même ses grands et jeunes professeurs paraît unique.

Unique, mais explicable. La Révolution avait à peu près aboli pour quinze ans les études littéraires. La République politique avait interrompu cette République des Universités et des collèges qui, en France, a toujours tenu une place à côté de la République des Lettres, qui incarne une sorte de Conseil d’État dans l’institution parlementaire de l’esprit, et encadre cent mille enfants et jeunes gens dans un service civil ou une garde nationale de l’humanisme. Le rétablissement avait été lent ; il fut l’œuvre de l’Université impériale. Dès 1808 on recommença à faire, dans les lycées de Paris, d’excellente rhétorique. Le recrutement des classes moyennes de l’esprit, la conscription des bacheliers reprirent avec régularité. Mais l’influence des années creuses se fit sentir.