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la Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck. Mais La Marck sert ici plutôt de prête-nom. Ces trois volumes publiés en 1851 sont un dialogue entre Mirabeau et la royauté ou un monologue de Mirabeau devant la royauté, et, pour employer le langage de Bossuet un Avertissement politique.

L’essentiel de cette Correspondance, et par le contenu, et par les correspondants et par les conséquences, ce sont les cinquante notes écrites par Mirabeau, depuis juin 1790 jusqu’à sa mort dix mois après. Un étranger sans vues, Necker, un coq sans cervelle qui tourne au clocher, La Fayette, sont les deux consuls de l’irrésolution et de la présomption, tiennent les commandes. Mirabeau, forcé de rester dans les coulisses offre, en attendant mieux, un plan. Ces cinquante notes sont écrites à la diable, avec plus de génie, parfois, que de bon sens. Elles méritent toujours d’être lues, surtout aux époques de crise, quand un régime penche et qu’il faut l’étayer, quand l’esprit de Révolution reparaît, quand les maux et les périls étant les mêmes, le remède est, dans ses grandes lignes le même : une synthèse énergique, active et non passive, des besoins nouveaux et de l’ordre ancien. Comme les écrits de Napoléon, ces notes entrent dans la littérature, parce qu’il y a là, non seulement des raisons et des vues, mais un tempérament, une nature, un homme, donc un style.

On a retenu un certain nombre de pensées puissantes de ce mystérieux Saint-Just, dont le poème libertin et plat d’Organt, les discours froids et fielleux des Institutions Républicaines d’où jaillissent des éclairs de génie et les éclats d’une grande âme, semblent appartenir à trois différents personnages. Hérault de Séchelles, vrai écrivain, appartient à la même équipe et à la même époque que Laclos. Mais c’est comme moraliste, non comme écrivain politique qu’on retient l’analyste ironique et intelligent du Voyage à Montbard et du Discours sur l’ambition. — Les nombreux Mémoires sur l’époque révolutionnaire qui commencèrent à paraître après 1815 forment une littérature toute spéciale, dont nous parlerons à sa place. Il faut cependant dès maintenant en retenir d’abord les Notes du conventionnel Baudot, presque les seuls mémoires écrits à l’époque même, qui apportent sur les principaux auteurs de la Révolution des vues d’une pénétration