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VI
CÉNACLES. ATELIERS. ARTISTES.
Les cénacles. Deschamps,
Nodier, Hugo
.
Un mouvement littéraire nouveau a souvent besoin de milieux fermés ou il s’essaie en vase clos, trouve des mots d’ordre, un centre de ralliement, des camaraderies : salons, cafés, brasseries, selon la mode de l’époque. Le romantisme, lui, eut ses cénacles et ses ateliers.

Le cénacle, c’est un nom ésotérique qui désigne simplement l’entourage d’un poète qui reçoit. Le premier cénacle fut celui de la Muse Française, recueil de vers et de prose qui dura un an, de Juillet 1823 à Juin 1824, et qui eut pour rédacteurs principaux les deux frères Deschamps, Emile et Antony, poètes estimables, qui n’ont pas donné à leur revue un nom qui convînt à leurs poésies, puisque leurs vers ne sont guère que des traductions de l’espagnol, de l’italien et de l’allemand. La Muse était un recueil très éclectique. Les derniers classiques y écrivaient, Brifaut et Baour-Lormian. On n’y trouvait pas Casimir Delavigne, dont la gloire, en 1820, équilibrait, avec les Messéniennes, celle de Lamartine, mais bien trois Languedociens, Soumet, Guiraud, Jules de Rességuier, nés avant 1790, poètes de Jeux Floraux. Hugo, Vigny, y écrivaient aussi, Et surtout on se rencontrait chez les Deschamps.

Quand la Muse cessa de paraître, en Juillet 1824, il y avait quelques semaines que le cénacle Deschamps était devenu moins utile. Charles Nodier, Bisontin singulier, érudit, imaginatif, auteur d’aimables contes, venait d’être nommé bibliothécaire de l’Arsenal. Il y ouvrit un salon où régnèrent avec bonne grâce Mme Nodier et surtout Marie Nodier, sa fille. Les soirées