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Parque, qui sent son destin et qui veut sortir, aller, le doigt du poète dit : Reste encore, il n’est pas temps.

Aie au milieu de tous l’attitude élevée
D’une lente déesse, à punir réservée,
Qui, recueillant la force ainsi qu’un saint trésor,
Pourrait depuis longtemps et ne veut pas encor !

Les Chants du Crépuscule.
Les Feuilles d’automne ont infléchi la courbe nouvelle, la ligne se continue unique et droite dans les trois autres recueils, les Chants du Crépuscule, les Voix intérieures, les Rayons et les Ombres. Ce sont les quatre parties d’un même poème, les quatre articulations d’une même vie.

Dans les Chants du Crépuscule, tonnent sur Paris, à travers les tours ajourées de l’ode, les cloches civiques, nationales, humaines. Aucun autre recueil de Hugo, si ce n’est les Châtiments, n’a plus la figure d’un recueil politique. Les premières pièces d’amour à Juliette y mêlent leur cloche d’argent, mais le futur pair, émule de Lamartine, le poète proclamateur et prophète a pris toute sa stature.

Les Voix intérieures.
Ce poète proclamateur et prophète, à partir des Voix intérieures, il reçoit un nom nouveau, il s’appelle Olympio. C’est dès 1835 que Victor Hugo conçoit l’idée d’un grand livre de vers qui s’appellerait les Contemplations d’Olympio, et dont l’acte de naissance s’étale dans le dialogue du 15 octobre 1835, qui s’appelle À Olympio, placé exactement dans le recueil des Voix intérieures (tous les recueils de Hugo ont des titres magnifiques, mais très justes) parce qu’il est fait, comme la Vigne et la Maison, de deux voix intérieures alternées, celle du poète homme et du poète prophète, du poète actuel de Paris et du poète futur de Guernesey.

Voix pareille à la sienne et plus haute pourtant,
Comme la grande mer qui parlerait au fleuve.

Comme la Pente de la Rêverie, c’est là, dans les quatre recueils des années trente, un poème cardinal, un poème-gond, sur lequel roule lentement la porte de la destinée hugolienne, et que paraphrase, par ailleurs, la préface du dernier recueil,