Page:Thibaudet – Histoire de la littérature française.pdf/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Novissima Verba, écrits à Montculot, le sermon de Bossuet transposé sur le mode lyrique, une réflexion de l’homme sur lui-même, grave, régulière, et qui coule comme un fleuve précipité et grossi pendant une nuit d’hiver, pas de sentiments rares ou neufs, mais la route royale du cœur humain, — l’interpellation à l’Esprit Saint, dont la fin hors d’haleine est faible, mais où il semble qu’en achevant les Harmonies, en les publiant l’été de 1830, le poète demande pour le prophète politique de demain l’investiture et le sacrement.

Les deux volumes des Harmonies sont dans l’œuvre de Lamartine ce que sont les deux volumes des Contemplations dans l’œuvre de Hugo, son été, son testament poétique, son long et plein dialogue avec la vie, les hommes et Dieu, et aussi une somme lyrique par laquelle le poète se débarrasse d’une partie de lui-même pour entrer dans l’ordre de la grande maturité, monter à l’Acropole homérique, s’achever dans l’épopée, dans une Odyssée de l’âme et des destinées humaines.

Le poète épique.
Mais, au contraire de Hugo, à qui son dessein épique fut suggéré par les voix de Jersey et de Guernesey, le projet d’une épopée était ancien chez Lamartine. Avant 1820, son rêve de grande poésie ne consistait pas dans les Méditations, mais dans un poème épique de Clovis, l’Africa de ce Pétrarque. (Il en donne un fragment dans les Nouvelles Méditations). Au cours de ses années d’Italie, un autre projet épique succède à celui-là, le poème des Visions, dont il publiera plus tard le plan détaillé et quelques fragments exécutés, une série d’épisodes où, à travers des tableaux historiques l’homme, ange tombé, serait progressivement restauré par le sacrifice. Après 1830, il laisse sommeiller ce projet pour écrire une épopée familière, populaire, celle du curé de campagne, dont son ami l’abbé Dumont, curé de Bussières, lui fournit le type. C’est le premier Josselin, qu’il laisse inachevé en 1832 quand il part pour l’Orient. Le contact avec l’Orient le ramène à ses premiers projets d’une grande épopée religieuse. À son retour, le Josselin très simple, en quatre chants, se transforme donc en un vaste poème dont les échos philosophiques et religieux vont loin, et que suit deux ans après la Chute d’un Ange, principe et premier tableau du poème cyclique défi-