Lamartine confesse dans une lettre à Virieu que sur cinquante pièces il n’y en a que quinze à lire. Mais même le remplissage contribue ici à nous donner le sentiment de la nappe de poésie, de la présence diffuse et divine à laquelle il fait allusion quand il dit des Harmonies : « J’en ai écrit quelques-unes en vers, d’autres en prose, des milliers d’autres n’ont jamais retenti que dans mon sein. » Celles qui sont écrites dans les quatre livres de 1829 sont des iles, des îles dans une abondance, une liquidité et une lumière italiennes. L’Invocation du début, écrite à Santa-Croce, met sur tout le volume ce sceau d’une église d’Italie. L’Hymme de la Nuit, l’Hymne du Matin paraissent Nuit du Guide, Aurore de l’Albane. Avec l’Hymne du Soir dans les Temples, dédié à la princesse Borghèse, le poète monte à de grandes orgues, fait rouler dans les voûtes un chant plein et vain. Non les voûtes gothiques : « La Cathédrale (gothique), dira plus tard le commentaire de la pièce, n’est qu’un vaste sépulcre, tout y est tombe, tout y gémit, rien n’y chante. Les voûtes sonores des églises d’Italie chantent d’elles-mêmes, ce sont les temples de la Résurrection ». Le Paysage dans le Golfe de Gênes, l’Infini dans les Cieux, Désir, le Premier Regret étalent avec une volupté noble ou une mélodieuse mélancolie le pli et la lumière de la nature italienne. Mais les îles c’est bien cette quinzaine de poèmes dont Lamartine a fixé le nombre, et que nous retrouvons sans peine.
La Bénédiction de Dieu dans la Solitude, écrite à Saint-Point, est peut-être la poésie la plus pleine, la plus ubéreuse de Lamartine, du propriétaire, du chef de famille et du poète, et dont on touche les profondeurs de santé et de tradition : de grosses racines humaines sous un feuillage qui vibre avec la présence des siècles, le simple tableau d’une journée patriar-