La voix du temps, la voix des femmes, la voix des salons disaient : « Il nous faut un Génie du Christianisme en poésie ». Elles disaient aussi : « Ah ! si Byron était chrétien ! il nous faudrait un Byron chrétien ». L’ordre des Méditations a été très soigneusement établi. Ce n’est pas un hasard si l’Homme, soit l’Épître à lord Byron, y succède immédiatement à l’Isolement, à la grande vue solitaire d’horizon. Lamartine imagine dans l’Homme ce Byron français, repenti et chrétien appelé par les Salons. On sait que le vrai Byron en sourit.
Autant que les Harmonies, les Méditations poétiques auraient pu porter l’épithète et religieuses, Elles vont à un public religieux, et elles contiennent toutes les directions religieuses du lyrisme et de l’épopée lamartiniennes. C’est le thème de l’ange tombé qui anime toute la pièce À Byron. Dans les grands discours de l’Immortalité, la Foi, la Prière, le Temple, Dieu, Lamartine (qui avait perdu depuis longtemps la foi positive) parait écrire pour un public autant que pour lui, et l’on ne s’étonnera pas que la Poésie Sacrée, la dernière Méditation, dithyrambe à M. Eugène Genoude, soit froideur et pensum. La note religieuse vivante et précise des Méditations n’est nulle part mieux donnée que dans le beau poème de la Semaine Sainte, où l’on ne trouve rien de l’émotion rituelle et chrétienne d’une semaine sainte, mais un tableau délicat et très vrai de ces retraites où M. de Rohan, le futur cardinal, conviait les jeunes conservateurs de sa génération, dans son château de la Roche-Guyon, et où l’exquise chapelle dans la grotte parait l’oratoire fait sur mesure pour le Génie du Christianisme et les dévotes de M. de Chateaubriand.