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Soir, le Souvenir, la Gloire, la Prière, l’Invocation, le Golfe de Baïa, les Chants Lyriques de Saül, l’Hymne au Soleil. Restent une douzaine de poèmes considérables qu’on peut appeler les Méditations moyennes, qui sont encore très supérieures à toute poésie publiée depuis 1700, qui nous mettent exactement dans la meilleure atmosphère de 1820, et qui ont compté pour la part principale dans le triomphe de Lamartine.

Ce sont des discours religieux, et précisément les discours religieux qu’on attendait, ceux d’un Génie du Christianisme dans la langue des beaux vers. D’une part la forme voltairienne de l’épître et du discours en vers, d’autre part la poésie sentimentale et spiritualiste du Génie, tous deux amenés à une fusion transfiguratrice, à la poésie d’une restauration, à la restauration d’une poésie, dans la double aurore historique de la Restauration et du Romantisme. Sans l’espérance, disait Héraclite, vous ne trouverez pas l’inespéré. La poésie inespérée des Méditations, sans effort et d’un mouvement indivisé, conclut une grande espérance.

Le Byron des salons.
Voltaire, Chateaubriand, et au confluent de l’un et de l’autre, une manière de Lyon lamartinien. Mais en 1820, un autre nom est monté au zénith de la poésie. Il y avait en France un « Passage de poète », ce poète c’était Byron. Quelques mois avaient suffi pour faire de sa poésie celle dont tout le monde parlait. On avait publié à Paris, en 1818, ses Œuvres complètes en anglais ; et en 1819 et 1820 on les traduisit. Quatre articles dans les Débats de septembre et octobre 1818 avaient fait figure d’articles d’initiation. Un des enfants du siècle les plus intelligents et les plus aimables, Charles de Rémusat, trouva le mot : « C’est le Bonaparte de la poésie. » Et en effet on parlait du jeune poète dans les salons comme vingt ans plus tôt on y parlait du jeune Bonaparte. Un même frémissement parcourait la jeunesse. C’est sa mère, l’auteur des Mémoires sur Napoléon, Mme de Rémusat, qui écrit à Charles : « J’ai vu lord Byron ; il me charme. Je voudrais être jeune et belle, sans liens ; je crois que j’irais chercher cet homme pour tenter de le ramener au bonheur et à la vérité. » Et voilà le thème de la deuxième des Méditations, l’Epître à lord Byron, et le thème aussi d’Eloa, deux poèmes que les jeunes