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heureux. Vous connaissez mon histoire. Raisonnablement je devais mourir à vingt ans, à Londres, de phtisie. Ma famille m’expédie ici pour prolonger quelques mois ma vie. Je guéris. Deux, trois affaires me réussissent. Et pendant des années, tout m’a réussi, incroyablement réussi ! Ce n’est pas à dire que je fusse particulièrement intelligent, actif, ambitieux. Non. Mes bévues elles-mêmes me servaient. Cela a duré vingt ans, trente ans. Puis, un beau jour, une combinaison avorte. Depuis, tout me claque dans la main. La faillite du bonheur ! Fini ! Le charme est rompu. Vous expliquez ça, vous ?

Dingley ne se l’expliquait pas, mais il sentait jusqu’à l’angoisse la vérité mystérieuse de ces réflexions bizarres.

Il répondit moins à son ami qu’à lui-même :

— Peut-être avez-vous raison : ce qu’on appelle du génie n’est, sans doute, que du bonheur. Moi aussi, j’ai été un homme heureux ! J’ai connu le temps où mes pensées s’ordonnaient sans effort dans mon esprit.