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LE SAULE ET LA CITROUILLE.

558. — Le saule s’estimait malheureux de ne pouvoir jouir du plaisir de voir ses fins rameaux arriver à la grandeur désirée, attesta le ciel, à propos de la vigne et autres plantes voisines, qu’il était sans cesse estropié, dérangé et gâté ; rassemblant tous ses esprits et donnant un âpre cours à son imagination longtemps pensive, il recherchait quelle plante il pouvait s’allier qui n’eût pas besoin de ses liens, et comme il était dans ses cogitations, le cours de ses pensées l’amena à la citrouille. Dans l’allégresse d’avoir trouvé la compagnie désirée, il agita ses rameaux, car la citrouille est moins apte à rattacher les autres qu’à être attachée. Ayant délibéré il dressa ses rameaux vers le ciel attendant quelque obligeant oiseau qui lui servît à réaliser son désir.

Bientôt il aperçut une pie : « Gentil oiseau, je te prie, au nom du secours que tu as trouvé un matin de ces derniers jours dans mes branches, quand le faucon affamé, cruel et rapace, te voulait dévorer, et par le repos que tu as goûté sur moi quand tu as senti le besoin de fermer tes ailes, et pour les plaisirs que tu as goûtés sous mes feuilles avec ta compagne à la saison des amours, je te prie donc d’aller trouver la citrouille et de lui demander de sa semence, que je la traiterai comme si elle était générée par mon corps ; use de tous les moyens