Page:Tellier - Nos poètes, 1888.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pluie de sang, et Kanut par l’ « œil » céleste, ne vous paraît-il pas que tout irait de même ? L’histoire n’est ici qu’un cadre, qu’un prétexte. Disposer de tels poèmes en série, ce n’est point résumer la vie de l’humanité ; c’est la remplacer par je ne sais quel supplément aux petits livres de morale en action. Mais M. Leconte de Lisle a vraiment fait vivre devant nous des Indiens, et des Grecs, et des barbares du moyen-âge. Ce témoignage, il a le droit de se le rendre, qu’il a été, comme Michelet, de ceux qui ont vécu une double vie, et qui ont passé parmi nous entourés des fantômes de nos pères lointains, et conversant avec eux ; et ce n’est pas sans raison (ni sans grandeur) qu’il disait hier encore :


J’ai goûté peu de joie, et j’ai l’âme assouvie
Des jours nouveaux autant que des siècles anciens[1]


Et M. Leconte de Lisle est un philosophe. Le pessimisme et la désespérance n’ont guère eu d’apôtres plus éloquents ni plus obstinés. Rien de plus net et de plus conséquent que sa doctrine. Il n’a point dans toute son œuvre une échappée spiritualiste. Nulle part, il n’hésite ou ne se con-

  1. Poèmes tragiques.