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M. Leconte de Lisle est le plus sonore, et, si j’ose dire, le plus assourdissant des poètes. Le conseil ingénu et singulier que donnait Ronsard aux rimeurs de son temps, d’user beaucoup de la lettre R, « qui fait une sonnerie et batterie héroïque au vers françois », il l’a suivi plus fidèlement que personne ; et il a obtenu des alexandrins d’une sonorité continue, et comme d’un fracas de métal :


Au tintement de l’eau dans les porphyres roux,
Les rosiers de l’Iran mêlent leurs frais murmures.
Et les ramiers rêveurs leurs roucoulements doux ;
Tandis que l’oiseau grêle et le frelon jaloux,
Sifflant et bourdonnant, mordent les figues mûres,
Les rosiers de l’Iran mêlent leurs frais murmures
Au tintement de l’eau dans les porphyres roux…[1]


Et remarquez qu’ici M. Leconte de Lisle veut être séduisant. Quand il lui plaît d’être farouche, il a d’autres sonorités à son service :


Et les grands chiens mordaient le jarret des chamelles,
Et les portes criaient en tournant sur leurs gonds…[2]


Ses vers sont toujours ainsi ; et il ne coûte rien

  1. La Vérandah (Poèmes barbares).
  2. Qaïn (Poèmes barbares).