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d’un serpent et les quatre pattes d’un lézard ; et si tu t’étais imaginé un jour que le vrai pût être dans les cultes informes de peuplades plus sauvages encore, il te serait loisible maintenant de visiter les lieux vagues et terribles où vivent et règnent les êtres monstrueux rêvés par les nègres du Darfour et par les hommes à demi singes qui font leurs demeures sur les arbres des forêts d’Australie.

Abd-er-Rhaman, naïvement, regretta de n’avoir pas fait tous ces voyages.

— Et quand tu les aurais faits ? reprit Salah en secouant la tête. Tu as joui du moins sot des rêves mystiques et du plus complet des rêves sensuels ; et ni ton extase ni ton ivresse n’ont été de longue durée. Quand même, après cela, tu aurais parcouru les vingt-huit cieux des bouddhistes et les vingt-sept paradis des Cafres, tes voyages auraient pourtant pris fin, et tu aurais trouvé l’ennui suprême au bout. Tôt ou tard, tu aurais vu qu’en dépit de tous les rêves d’avenir qu’il a échafaudés, l’homme après sa vie terrestre n’est bon vraiment qu’à mourir, et que ce n’est qu’un Être infini et parfait qui serait capable d’être immortel ; tu aurais compris que s’il est parfois amusant d’être en route, il est bien vite ennuyeux d’être au but, et que ce qu’il est prudent de souhaiter