Page:Tellier - Les Deux Paradis d’Abd-er-Rhaman, 1921.djvu/40

Cette page n’a pas encore été corrigée

vent chaud lui frappait la face, et il le sentait venir de l’ouverture d’un gouffre très proche. Il sentait aussi qu’il n’était point seul en ces ténèbres silencieuses, mais entouré de beaucoup d’êtres qui comme lui se taisaient et attendaient comme lui : et cette pensée lui fit peur.

Brusquement, un jet de flamme s’élança du gouffre, pareil à un grand oiseau rouge. A cette lueur subite, Abd-er-Rhaman vit une lame mince et tranchante comme celle d’un rasoir, qui partait du sol mystérieux où il se trouvait et qui s’allongeait sur le gouffre à perte de vue. Malgré lui, il songea au nouveau pont El-Kantara que les Roumis ont jeté sur le Rummel : ce support sommaire lui en fit apprécier l’asphalte, et cet éclairage initial lui en fit regretter les réverbères. Cétait l’endroit terrible, tel que l’ont décrit Yahia-ben-Salem et Mohammed-ben-Abdallah. Ce pont était le pont Sirath, et ce gouffre était le Gehennam.

On lui prit la main, et il suivit l’ange qui l’avait prise. L’ange l’amena au bord du pont de Sirath et l’y fit marcher, tandis que lui-même se tenait à sa droite, suspendu dans le vide. Abd-er-Rhaman avança : le pont tranchant ne lui meurtrit point les pieds, et il ne trébucha point dans l’abîme. Trois grandes flammes