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le soleil pâlisse, et la lune deviendra moins brillante ; que le soleil s’éteigne, et la lune disparaîtra à son tour. De même, les paradis et les enfers perdent de leur consistance à mesure que la croyance dont ils procèdent s’affaiblit parmi les hommes ; et quand une religion meurt, le même jour qui la voit s’éteindre sur terre voit aussi disparaître dans l’au-delà les derniers vestiges de ce qu’elle y avait créé. Et c’est la destinée des damnés comme des élus de suivre le lieu qu’ils habitent dans ses vicissitudes, et de l’accompagner dans sa disparition.

Voilà comment beaucoup de paradis et d’enfers ont péri tour à tour, et comment il ne reste plus rien maintenant du Valhalla des Scandinaves, ni de l’Amenthès des Égyptiens. Les Champs-Élysées aussi et le Tartare des vieux païens se sont évanouis dès qu’ils n’ont plus eu de croyants sur la terre ; et avec eux ceux qui les habitaient sont rentrés dans le néant. Et vraiment les innocents n’en ont pas été moins joyeux que les coupables, ni les bienheureux moins satisfaits que les condamnés.

Songes-y, en effet : le bonheur qu’ils avaient rêvé ne consistait que dans le calme et dans la mémoire de leur existence terrestre. Que dirais-tu de l’homme qui jetterait un verre d’eau rougie de vin