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d’yeux humains sont fixés à la fois sur le même rêve, tous les rayons sortis de ces yeux se réunissent et se fécondent mutuellement ; le rêve se condense et devient réalité ; et ceux qui y ont cru pendant qu’ils vivaient en jouissent pleinement dès qu’ils sont morts. C’est ce qui nous est arrivé, à nous tous qui sommes ici. Prends-y bien garde, pourtant : ni ces choses, ni ces êtres, ni ces harpes, ni ces anges, rien de ce que tu vois n’a un principe propre d’existence, et ne saurait durer par soi-même, rien de tout cela ne peut subsister si le rêve qui l’a créé ne continue à l’entretenir. Or, ni toi ni moi nous ne rêvons plus, ni personne d’entre nos compagnons : car la possession tue le désir ; et commencer à jouir, c’est finir de rêver. Il faut donc que ce soit le rêve des hommes terrestres qui, en se continuant sans trève, alimente la réalité de ce qui nous entoure ; et cela est ainsi en effet. Voici ce trône où je suis assis ; considère ces anges qui passent devant nous : ces objets, qui te semblent exister par eux-mêmes, reçoivent à tout moment leur existence de l’extérieur. Ainsi, lorsque tu étais sur la terre, tu regardais le disque de la lune, et tu ne t’apercevais point qu’il ne brillait que par une suite ininterrompue de rayons qui lui venaient du soleil. Que