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qui ne l’avaient point frappé jusque-là. Il entendait comme une grande rumeur, interminable et gémissante, et plus triste que la voix du vent lorsqu’il s’engouffre dans les cheminées, ou que celle de la mer quand elle se brise sur les grèves. Il demanda ce que c’était ; on le lui dit. Cette rumeur lointaine était composée de millions de sanglots et de cris de rage ; et c’était la plainte des chrétiens morts coupables suivant leur doctrine, et que faisaient hurler les tortures de l’enfer. Ces damnés n’étaient point tous de grands criminels. Un des élus avait parmi eux ses deux frères, et il conta leur histoire à Abd-er-Rhaman. C’étaient deux catholiques fervents. Le premier avait toujours vécu en honnête homme, mais il était mort subitement au milieu d’une nuit d’amour illégitime ; le second avait toujours vécu en homme de bien, mais il avait péri de mort violente le lendemain du premier vendredi où il avait négligé l’abstinence prescrite ; et tous les deux subissaient maintenant les tourments que, pendant leur vie, ils avaient cru réservés à l’homme en de tels cas.

Ces récits, et cette rumeur lamentable entendue au loin mirent au cœur d’Abd-er-Rhaman une grande tristesse et une grande pitié ; mais cette pitié et cette