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eût voulu, au siècle du Sultan Haroun-er-Raschid. Maintenant, il était dans une ville tout européenne. Les Français, toujours pressés d’aller on ne sait où, le coudoyaient sur l’asphalte du trottoir, éclairé par des réverbères disposés à distances égales. Au milieu du brouillard, brillaient les étalages des « magasins de nouveautés » et les bocaux rouges et verts des pharmacies à l’instar de Paris. Il arriva sur la place Nemours. Des fiacres stationnaient devant le théâtre. Comme c’était l’entr’acte, il y avait foule sur les marches de l’édifice, inauguré depuis peu. Une grande affiche rouge lui apprit qu’on représentait « Madame Favart. »

Il sentait obscurément une corrélation entre sa destinée et celle de cette Constantine où il avait toujours vécu. Depuis l’arrivée des Roumis, elle avait autant changé que lui et il avait autant changé qu’elle. Comme son esprit, après avoir été jadis simple et harmonieuse, elle était aujourd’hui troublée et composite ; et les choses nouvelles, en se substituant çà et là aux choses anciennes avaient produit dans les rues de la ville le même mélange incohérent et disparate que dans le cerveau du tâleb.

Il se promena longtemps dans la rue de France, bien que le brouillard et le