Page:Tellier - Les Deux Paradis d’Abd-er-Rhaman, 1921.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

pas à prendre la fuite ; ils ne trouveront ni secours ni protecteur ». Or, les chrétiens avaient vaincu les croyants dans presque toutes les batailles ; ils étaient en Afrique depuis cinquante ans, et on n’espérait point les en chasser de sitôt. La parole de Mohammed était donc convaincue de fausseté, — à moins pourtant qu’Allah ne voulût, en donnant la victoire aux chrétiens, punir son peuple de ses fautes, ou peut-être éprouver sa fermeté dans la foi.

Comment sortir de tous ces doutes ? Plus Abd-er-Rhaman méditait, plus il lui semblait difficile de décider entre les deux religions. La question était grave, pourtant. L’Évangile le menaçait de l’enfer s’il doutait de la divinité de Jésus ; le Koran le menaçait du Gehennam s’il ne croyait point à la mission de Mahomet.

En songeant à tout cela, le vieux tâleb continuait sa promenade. Rien ne le rappelait au logis, car jamais il n’avait pris de femme, et il n’était attendu que de ses serviteurs. Aussi, du quartier arabe, il monta jusqu’à la rue Nationale, et de la rue Nationale jusqu’à la rue de France. C’était, en un quart d’heure, passer, pour ainsi dire, d’un monde à un autre. Tout à l’heure, dans les ruelles barbares, voisines du ravin, il eût pu se croire encore aux temps de son enfance, ou même, s’il