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se manifestent aussi la nuit quand il se lève pour prier Dieu, ou du moins pour se frapper la poitrine avec les poings et gratter les portes avec ses doigts. Il est juif et s’appelle Moïseïka. C’est un faible d’esprit, devenu fou il y a vingt ans, lorsque brûla un atelier de chapellerie qui lui appartenait. De tous les habitants de la salle 6, il a seul la permission de sortir dans la cour de l’hôpital et même dans la rue.

Il jouit de ce privilège depuis longtemps, en sa qualité, sans doute, de vieil habitué de l’hôpital, et comme un être inoffensif qui amuse la ville, où l’on est habitué depuis longtemps à le voir dans les rues, entouré de gamins et de chiens. Vêtu d’une mauvaise petite capote, avec un risible bonnet de nuit et des pantoufles, parfois nu-pieds, et même sans pantalon, il va, s’arrêtant aux portes et aux boutiques, et demande un petit kopek. Ici on lui donne du kvass, là du pain, ailleurs un kopek, en sorte qu’il rentre ordinairement à l’annexe rassasié et riche. Tout ce qu’il rapporte ainsi, Nikîta le confisque pour son usage personnel. Le vieux soldat le dépouille, brutalement, avec colère, retournant ses poches et prenant Dieu à témoin qu’il ne laissera jamais plus sortir ce juif dans la rue et que le désordre lui déplaît plus que tout au monde.

Moïseïka aime à rendre service. Il porte de l’eau à ses camarades, les couvre quand ils dorment,