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du siècle jusqu’à aujourd’hui, la lutte contre le mal, l’affinement à souffrir, la force de réaction n’ont fait que progresser.

Ivan Dmîtritch perdit soudain le fil de ses pensées, s’arrêta et se frotta le front avec ennui :

– Je voulais dire quelque chose d’important, dit-il, mais je ne sais plus quoi… Où en étais-je ?… Ah ! voilà ! Je voulais dire qu’un stoïcien se vendit pour racheter son prochain. Eh bien, ce stoïcien lui-même réagissait contre l’impression désagréable, car, pour faire un acte si généreux que se renoncer pour autrui, il fallait une âme souffrante et troublée. J’ai oublié ici, en prison, tout ce que j’ai appris, autrement je me serais souvenu encore de quelque chose. Voulez-vous que nous prenions le Christ ? Le Christ paya tribut à la réalité en ce qu’il pleura, sourit, s’affligea, s’irrita, et languit. Il ne vint pas en souriant au-devant des souffrances, et ne méprisa pas la mort. Il pria au jardin de Gethsémani qu’on Lui épargnât ce calice.

Ivan Dmîtritch sourit et s’assit.

– Admettons, dit-il, que le repos et le bonheur de l’homme ne soient pas hors de lui, mais en lui ; admettons qu’il faille mépriser la souffrance et rester impassible ; mais, vous, sur quoi vous appuyez-vous pour prêcher cette doctrine ? Êtes-vous un sage ? Êtes-vous un philosophe ?

– Je ne suis pas philosophe, mais chacun doit