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goutte de boissons fortes… Depuis le jour où il est mort pour en avoir trop pris, j’ai fait le serment d’introduire dans notre district la tempérance et de racheter par là ses péchés. Prêchant la tempérance, j’ai commencé à l’instaurer chez moi. Le père Eumène est enthousiaste de mon projet, et il m’aide en paroles et en action. Ah, ma chère, si tu savais comme tous mes « ours » m’aiment ! Le président de la commission du zemstvo, Marphoûtkine, après le déjeuner, s’est jeté sur ma main, l’a longuement tenue à ses lèvres, et, remuant la tête d’une façon comique, il s’est mis à pleurer : beaucoup de sentiments et pas un mot ! Le père Eumène, ce délicieux petit vieillard, me regardant les larmes aux yeux, assis auprès de moi, a longtemps balbutié quelque chose comme un enfant. Je n’ai pas compris tout ce qu’il disait, mais je sais comprendre les sentiments sincères. L’ispravnik, ce bel homme dont je t’ai parlé dans mes lettres, à genoux devant moi, voulait me lire des vers de sa composition (nous avons un poète), mais il n’en a pas trouvé la force… Il a perdu l’équilibre et il est tombé ! Ce géant a eu une crise de nerfs… Tu peux te représenter ma satisfaction ! Tout cependant n’a pas fini sans désagrément. Le pauvre président de la réunion mensuelle des juges de paix, Alalykine, qui est fort et apoplectique, s’est senti mal et est resté couché sans connaissance pendant deux