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place, et fit un cri joyeux. Du traktir La Gaîté, devant lequel ils passaient, un monsieur, en chapeau haut de forme, sortait précipitamment, la figure rouge et les yeux allumés. Une queue de billard à la main, nu-tête, les cheveux en désordre, débraillé, le capitaine Ourtchâïév le poursuivait. Son nouvel uniforme était blanc de craie, une patte d’épaulette déjetée ; il manquait trois boutons à la poche de derrière.

– Je te forcerai à jouer, tricheur ! criait le capitaine, brandissant la queue de billard furieusement, et s’essuyant le front. Je t’apprendrai, simple brute, à jouer avec les honnêtes gens !

– Regarde un peu, sotte ! murmura Merkoûlov, poussant sa femme du coude et riant. On voit tout de suite quelqu’un de noble ! Qu’un marchand fasse faire un habit pour sa sale tête de moujik, il le portera dix ans sans l’user ; et celui-ci a déjà éreinté son uniforme. Il n’y a qu’à en faire un autre !

– Va lui demander ton argent ! lui dit Akssînia.

– Que penses-tu, bête ! Dans la rue ? Tais-toi…

Il eut beau résister, sa femme le contraignit à aller parler d’argent au capitaine furieux.

– Va-t’en ! répondit le capitaine, tu m’ennuies.

– Je comprends, Votre Noblesse, dit Merkoûlov.