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nettoyer la chambre. Alexandre Ivânytch devint tout rouge et s’empressa de lui demander timidement :

– Faut-il que je reste ici ou que j’aille dans une autre chambre ?

Il ne pouvait pas se résoudre à occuper tout seul une chambre, et, apparemment, il avait honte aussi de vivre aux frais du monastère. Il lui en coûtait beaucoup de se séparer de moi. Pour retarder autant que possible le moment où il serait seul, il demanda la permission de m’accompagner.

La route, taillée dans le calcaire au prix de grands efforts, montait presque en spirale à travers les racines et sous l’ombre des grands pins sévères. D’abord disparut le Donéts ; puis la cour du couvent et ses milliers de gens ; puis les toits… Tout semblait s’enfoncer dans l’abîme. La croix de l’église, rougie par les feux du soleil couchant, qui émergeait la dernière du fond du précipice, disparut ; il ne resta plus que des cimes de pins, des têtes de chênes, et devant soi la route blanche qui montait. Mais ma voiture atteignit le plateau, et tout, décidément, se trouva en bas et derrière moi. Alexandre Ivânytch, avec un sourire affligé, sauta à terre et me regarda une dernière fois de ses yeux d’enfant. Il se mit à redescendre vers le couvent et disparut pour moi pour toujours…