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Vaguement endormi j’entendis le clocher sonner d’une voix plaintive, comme s’il eût pleuré des larmes amères, et un frère convers crier à plusieurs reprises pour éveiller les pèlerins :

– Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, aie pitié de nous ! Venez à la messe, s’il vous plaît !

Quand je m’éveillai tout à coup, mon compagnon n’était déjà plus dans la chambre. Il faisait soleil et la foule bruyait sous ma fenêtre. J’appris en sortant que la messe était dite, et que depuis longtemps déjà la procession était partie pour l’ermitage. Le peuple, en foule, flânait sur la rive, en peine de lui-même, ne sachant que faire, puisqu’il ne pouvait ni manger ni boire avant que la dernière messe fût dite à l’ermitage, et que les boutiques du monastère, où les pèlerins aiment tant à se rassembler et à s’informer du prix des objets, étaient encore fermées. Malgré leur fatigue, beaucoup, par ennui, se traînaient vers l’ermitage ; je fis comme eux. Le sentier, descendant et montant, se développait, au long de la rive escarpée, comme un serpent, contournant les chênes et les pins. En bas luisait le Donéts où le soleil se réfléchissait. Par delà, l’autre rive, haute et crayeuse, blanchoyait, toute égayée de la verdure fraîche des chênes et des pins, penchés l’un sur l’autre, comme ingéniés à pousser sur la roche à pic sans tomber. Les pèlerins suivaient le sentier en longues files.