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– Et parce qu’il ne faut pas être un mouton, répondit tranquillement le secrétaire. Avant de signer, il fallait regarder.

– Quoi regarder ! Quand je regarderais mille ans ces comptes, je n’y comprendrais rien ! Le diable soit chauve si j’y vois goutte ! Suis-je un comptable ? On portait, je signais.

– Permettez ; en dehors de cela, vous et votre comité, êtes fortement compromis ! Vous avez, sans laisser aucune garantie, pris à la banque dix-neuf mille roubles !

– Ta volonté, Seigneur !… s’exclama Avdiéiév. Les dois-je seul !… Toute la ville doit ! Je paie les intérêts et j’acquitterai ma dette, Dieu vous bénisse !… Et puis, disons-le, à parler franc, ai-je pris moi-même cet argent ? C’est Piotre Sémiônytch qui me l’a fait prendre. Prends-le, m’a-t-il dit ; prends ! Si tu ne le prends pas, m’a-t-il dit, cela voudra dire que tu n’as pas confiance en nous et que tu fais bande à part. Prends, m’a-t-il dit, et construis un moulin à ton père… Je l’ai pris !

– Eh bien, voyez-vous, il n’y a que les enfants et les moutons qui puissent raisonner ainsi ! En tout cas, signor, ne vous émotionnez pas pour rien. Sans doute vous n’éviterez pas d’être mis en jugement, mais selon toute vraisemblance on vous acquittera.