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La nuit, on avait conduit en prison le directeur de la banque locale, Piotre Sémiônovitch, le comptable, son aide et deux membres du Conseil d’administration. Le lendemain de l’alerte, le marchand Avdiéiév, membre du Comité de surveillance, causait avec des amis dans sa boutique :

– Ainsi Dieu l’a voulu ! disait-il. On n’échappe pas au destin… Aujourd’hui nous dégustons tranquillement du caviar, et demain la prison, la besace ou même la mort ; tout arrive. Ne prenons que l’exemple de Piotre Sémiônytch [1].

Il discourait, ayant bu, les yeux à demi fermés, et ses amis, bribotant du caviar, l’écoutaient. Décrivant l’opprobre et l’abandon de Piotre Sémiônytch qui, la veille encore, était puissant et honoré de tous, Avdiéiév poursuivit en soupirant :

– Il est demandé compte au chat des larmes des souris ; il faut qu’il leur en arrive autant, les filous ! Ils savaient voler, les coquins ; maintenant qu’ils répondent.

  1. Forme plus familière du second prénom ci-dessus. (N. d. tr.)