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qu’Anîssime était en prison, et, quand on sonnait à la paroisse, on se souvenait aussi qu’il était en prison et qu’il attendait le jugement.

Une ombre semblait s’être étendue autour de Tsyboûkine. La maison noircissait, le toit se rouillait, la lourde porte de la boutique, revêtue de tôle peinte en vert, se ternissait, et, disait le sourd, « se crassissait », et le vieux Tsyboûkine lui-même semblait avoir noirci. Depuis longtemps il ne s’était pas fait couper les cheveux et la barbe, et se négligeait ; il montait en tarantass sans sauter, et il ne criait plus aux pauvres : « Que Dieu t’assiste ! » Ses forces diminuaient, c’était visible en tout. Les gens le craignaient déjà moins. Le commissaire de police, bien qu’il continuât de toucher ce qu’il fallait, lui avait dressé un procès-verbal dans sa boutique ; il fut trois fois appelé à la ville pour commerce clandestin d’eau-de-vie. L’affaire fut toujours remise pour absence de témoins, et Tsyboûkine se tourmentait à la mort.

Il allait souvent voir son fils, employait les uns ou les autres, présentait des suppliques à on ne sait qui, donnait ici ou là des bannières d’église. Il porta au surveillant de la prison un porte-verre en argent avec une inscription en émail : « l’âme connaît sa mesure », et une longue cuiller.

– Personne de bien pour intervenir ! disait Varvâra, ah la la la ! Il faudrait demander à