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mains d’Akssînia, et va les jeter dans le puits. Le diable soit avec eux ! Tâche qu’on ne jase pas ; il pourrait arriver quelque chose. Emporte le samovar et éteins les lumières.

Lîpa et Prascôvia, assises dans la remise, virent les lumières s’éteindre l’une après l’autre. En haut, dans la chambre de Varvâra, seules continuèrent à brûler les veilleuses rouges et bleues. Il en venait une impression de repos, de satisfaction et d’ignorance. Prascôvia n’avait jamais pu s’habituer à l’idée que sa fille, mariée à un homme riche, se glissât timidement, quand elle arrivait, dans le vestibule, et sourît avec un air de demander ; on lui donnait alors du thé et du sucre. Lîpa elle aussi ne pouvait pas s’habituer. Quand son mari fut parti, elle ne dormit pas dans son lit, mais où elle se trouvait, dans la cuisine ou dans quelque hangar. Chaque jour elle lavait le plancher ou le linge, et il lui semblait qu’elle était en journée. Revenues du pèlerinage, les deux femmes avaient pris le thé dans la cuisine avec la cuisinière, puis elles étaient allées se coucher dans la remise, par terre, entre le mur et les traîneaux. Il y faisait noir et on y sentait une odeur de harnais. On entendit le sourd fermer la boutique et les faucheurs s’installer dehors pour dormir. Chez les Khrymine jeunes, au loin, on jouait sur le bel accordéon. Prascôvia et Lîpa commencèrent à sommeiller.