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qui l’a volé : c’est le moujik de Chikâlovo. Il l’a volé, mais la peau est chez mon père !… Voilà la foi qu’il y a !

Anîssime cligna un œil et secoua la tête.

– Le starchine non plus ne croit pas en Dieu, continua-t-il ; le secrétaire non plus ; le sacristain non plus. S’ils vont à l’église et observent les jeûnes, c’est pour que les gens ne parlent pas mal d’eux ; et pour le cas où peut-être, tout de même, il y aurait un jugement dernier. On dit maintenant que la fin du monde pourrait venir parce que le monde est devenu plus faible, qu’on ne respecte plus ses parents, et ainsi de suite. Ce sont des bêtises. Je crois, maman, que tout le mal vient de ce que les gens ont peu de conscience… Je vois tout au fond, et je comprends. Si un homme a une chemise volée, je le vois. Un homme est assis au traktir et il vous semble qu’il boit du thé et rien de plus, et moi, en dehors du thé, je vois qu’il n’a pas la conscience tranquille. On peut marcher toute la journée, on ne trouve pas un homme qui ait une bonne conscience. La raison en est qu’on ne sait pas où il y a un Dieu… Allons, eh bien, maman, adieu ! Portez-vous bien, et gardez-moi bon souvenir.

Anîssime se prosterna aux pieds de sa tante.

– Nous vous remercions pour tout, maman, dit-il. Notre famille reçoit de vous un grand profit.