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grince ; tout le mécanisme est en ordre et bien vissé.

Il était né dans le district d’Iégôriévskoé, mais il travaillait depuis sa jeunesse dans les usines d’Oukléevo et des environs, et il s’y était fixé. On le connaissait pour vieux depuis longtemps, toujours aussi long et aussi maigre, et on l’appelait Béquille. Parce que, peut-être, depuis plus de quarante ans, il ne s’occupait que de réparations, il ne jugeait tout homme et toute chose qu’au point de vue de la solidité : n’y avait-il pas besoin de réparation ? Avant de s’asseoir à table, il essaya quelques chaises pour voir si elles étaient solides ; il toucha même du doigt le lavaret.

Après le vin mousseux, tous s’installèrent à table. Les convives parlaient et remuaient leurs chaises. Dans le vestibule les chanteurs chantaient et la musique jouait ; les femmes, dans la cour, toutes d’une même voix, célébraient les mariés. C’était un mélange de sons effrayant, sauvage, à faire perdre la tête.

Béquille se tournait sur sa chaise, cognait des coudes ses voisins, les empêchait de parler, et tantôt pleurait, tantôt riait.

– Enfants, enfants, enfants… marmottait-il vite ; Akssinioûchka, ma chère, Varvârouchka, nous vivrons tous en paix et en concorde, mes petites hachettes chéries…