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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

Il essaie également d’expliquer ce qu’est l’œil ; l’intérieur, d’après lui, est formé de feu <et d’eau>, l’extérieur de terre et d’air que le feu subtil peut traverser comme fait la lumière d’une lanterne. Les pores sont disposés alternativement, feu et eau ; par les premiers, nous prenons connaissance du blanc, par les seconds, du noir ; car il y a adaptation pour l’un comme pour l’autre. Il y a d’ailleurs un mouvement d’effluves des couleurs à l’œil.

8. Cependant tous les yeux ne sont pas également constitués ; les éléments peuvent se fusionner régulièrement ou se contrarier ; le feu peut être au centre ou au-dessus. Aussi les animaux ont la vue plus perçante, les uns de jour, les autres de nuit ; pour ceux qui ont moins de feu, ce sera de jour, car la lumière extérieure complète pour eux l’intérieure ; dans le cas contraire, ce sera de nuit, l’équilibre s’établissant de la même façon. Et inversement, la vue sera moins distincte de jour pour ceux qui ont trop de feu, puisque cet élément, augmentant encore, occupera et obstruera les pores de l’eau ; elle sera de même moins distincte de nuit pour ceux qui ont trop d’eau, le feu étant alors obstrué par l’eau. Pour que la vision redevienne distincte, il faut que, pour les uns, l’eau soit dissipée par la lumière extérieure, pour les autres, le feu par l’air obscur ; dans chaque cas, c’est le contraire qui est le remède. Le meilleur tempérament consiste dans une composition à parties égales ; c’est ce qui donne des yeux excellents. Voilà à peu près ce qu’il dit de la vue.

9. L’audition, d’après lui, est produite par les bruits du dehors qui mettent l’ouïe en mouvement et provoquent une résonance interne ; car il y aurait comme un grelot battant en dedans et qu’il appelle os (?) charnu (v. 370) ; l’air en mouvement frappe dessus et le fait résonner. — L’odorat est au contraire commandé par la respiration ; aussi est-il surtout vif chez les animaux pour lesquels les mouvements respiratoires sont le plus précipités ; ce sont les corps légers et subtils qui ont le plus d’effluves odorantes. Quant au goût et au toucher, il ne détermine ni comment ni par quels moyens se produisent les sensations, sauf sa thèse commune de l’adaptation à des pores. D’ailleurs, ce qui, comme parties et comme tempérament, est semblable, procure du plaisir ; le contraire occasionne de la douleur.

10. Il s’exprime de même pour la pensée et l’ignorance ; la pensée aurait lieu par les semblables, l’ignorance, par les dissemblables ; ainsi la pensée est pour lui la même chose que la sensation