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mais en vain. Elle haïssoit son mari mortellement ; c’étoit une étourdie et lui un benêt qui vouloit railler et faire l’esprit fort comme son père ; mais cela lui réussit si mal que cela fait pitié. Il fait toutes choses à contre-temps ; il prend tout de travers[1] ; on lui fait les cornes en jouant avec lui. Sa femme disoit : « Quand je serai veuve, je ferai ceci et cela ; car je suis assurée que M. de Serran mourra jeune. » Elle s’est trompée elle, car elle est morte à vingt-deux ans, et a laissé deux enfants, je crois, à ce mari qu’elle devoit enterrer.


MADAME DE BARBEZIÈRE.


La cadette Bazinière étoit jolie ; elle n’avoit guère qu’onze ans quand elle fut enlevée par un frère de madame de La Bazinière la jeune, qu’on appeloit Barbezière ; c’est le nom de la maison, qui est une bonne maison de Poitou. Ce garçon, qui étoit bien fait, avoit toute liberté chez madame de La Bazinière la mère, jusque-là qu’étant malade, elle le reçut dans son logis. On ne sait pas bien si sa sœur étoit du complot, car il ne l’a pas dit. Lopez[2] pourtant avertit la

  1. Serran a passé pour un ennuyeux homme, à cause qu’il vouloit faire comme son père, et cela ne lui réussissoit pas. Depuis il s’est corrigé ; il ne cherche plus à dire de bons mots, et c’est un homme peu naturel à la vérité, mais qui passera partout. Un jour que sa femme et lui se battoient, Bautru, qu’on vint quérir pour mettre le holà, les regarda faire, et dit : Quod Deus junxit, homo non separet ; puis s’en alla. Il trouvoit peut-être à propos que la petite femme fût mortifiée. (T.)
  2. On a vu plus haut un article sur Lopez.