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LA RÉVOLUTION


le sabre. Au mépris de la Constitution, ils ont provoqué les armées à délibérer, et montré au Corps législatif que, s’il ne fléchissait pas, il serait jeté dehors à la pointe des baïonnettes. Ils lâchent sur lui, « comme au bon temps[1] », leur canaille exécutive et garnissent ses avenues, ses tribunes, avec « leurs bandits des deux sexes ». Ils ramassent leurs affidés à poigne, cinq ou six mille Terroristes de Paris et des départements, deux mille officiers réformés ou à demi-solde. À défaut de Hoche, dont l’approche inconstitutionnelle a été éventée, puis empêchée, ils ont Augereau, arrivé exprès d’Italie et qui dit en public : « Je suis envoyé pour tuer les royalistes. » Impossible de trouver un soudard plus matamore et plus borné ; Reubell lui-même, en le voyant, n’a pu s’empêcher de dire : « Quel fier brigand ! » — Le 18 Fructidor, le sabreur officiel, avec huit ou dix mille hommes de troupes, cerne et envahit les Tuileries ; les représentants sont arrêtés dans leurs comités et à domicile, ou recherchés, poursuivis et traqués, ainsi que les autres opposants notables, officiers, chefs de service, journalistes, anciens ministres, directeurs, Barthélemy et Carnot lui-même. Barbé-Marbois[2], ayant demandé en vertu de quelle loi on l’arrête, un officier lui répond : « La loi c’est le sabre. » Et Sotin, ministre de la police, ajoute en souriant : « Vous jugez bien qu’après ce que j’ai pris sur moi, un peu plus, un peu moins de compromis-

  1. Mallet du Pan, II, 304, 305, 331. — Carnot, II, 117.
  2. Barbé-Marbois, Journal d’un déporté, 34 et 35.