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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE

proportionné fournis par les départements, seront le salut de la France. — Par ce départ des braves et par cette inertie du troupeau, Paris appartient aux fanatiques de la populace. « Ce sont les sans-culottes, écrivait le patriote Palloy, c’est la crapule et la canaille de Paris, et je me fais gloire d’être de cette classe, qui a vaincu les soi-disant honnêtes gens[1]. » — « Trois mille ouvriers, dira plus tard le Girondin Soulavie, ont fait la révolution du 10 août, contre le royaume des Feuillants, contre la majorité de la capitale et de l’Assemblée législative[2]. » Ouvriers, manœuvres et petits boutiquiers, sans compter les femmes, les simples vagabonds et les francs bandits, la vérité est qu’ils sont un vingtième de la population adulte et mâle, environ neuf mille répartis dans toutes les sections de Paris, mais seuls votant et agissant au milieu de l’incurie et de la stupeur universelle. — Dans la rue de Seine, par exemple, on en compte sept : Lacaille, rôtisseur ; Philippe, « nourrisseur de bestiaux, qui amène des ânesses aux poitrines malades », maintenant président de section et bientôt tueur à l’Abbaye ; Guérard, « marinier de Rouen, qui a quitté la navigation en grand sur la Seine et n’a plus qu’un batelet dans lequel il passe les gens du pont du Louvre au quai Mazarin », et

  1. Mortimer-Ternaux, II, 362.
  2. Soulavie, Vie privée du maréchal duc de Richelieu, IX, 384. — « On a peine à concevoir, dit La Fayette (Mémoires, I, 454), comment la minorité jacobine et une poignée de prétendus Marseillais se sont rendus maîtres de Paris, tandis que la presque totalité des 40 000 citoyens de la garde nationale voulait la Constitution. »