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s’ils ne le sont pas, ils le deviennent par la manière dont il les rend.

Ses arbres ne sont point revêtus de cet épais et vert feuillage, dont l’ombre est l’asile des bergers et des troupeaux. Il a peint ces troncs immenses, qui portent dans leurs formes terribles, l’empreinte des ans et des tempêtes : sur leurs cimes nues, élevées, se reposent les aigles et les vautours ; ils ressemblent à ces grands vaisseaux long-temps tourmentés par les vents et par les combats, qui sur les mers bruyantes élèvent orgueilleusement leurs mâts dépouillés. En admirant ses paysages pittoresques, on ne désire jamais d’habiter de pareilles demeures : soit par le choix qu’il a fait des sites, soit par la manière de les imiter, ils ressemblent toujours à ces lieux favorables aux assassinats, à ces chemins écartés de toute habitation, où l’on ne passe jamais la nuit, et que le jour on traverse avec rapidité, sur lesquels on trouve exposé des restes de fameux brigands, sur lesquels on vous dit : « là, un voyageur fut égorgé ; là, son corps sanglant fut traîné et jeté dans les précipices. » Combien sont différentes ces belles solitudes, peintes par Claude le Lorrain, où le voyageur charmé ne connoît d’autre crainte que celle