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et d’un poignard, la guide en poussant des cris affreux. Cette belle pensée poétique et touchante en même temps, plaît et intéresse beaucoup : mais combien toucheroient davantage encore les cendres de la malheureuse Didon renfermées dans une urne que sa sœur éperdue porteroit dans un tombeau au milieu de ses compagnes désolées, au milieu d’un peuple fondant en pleurs ! Près d’un riche tombeau d’Adonis, il peint Vénus pleurant ; une foule d’amours cherchent à la consoler ; la plupart semblant lui faire entendre que pour guérir les plaies de son cœur, il faut lui donner de nouvelles occupations ; ils préparent leurs armes, et se disposent à entrer en campagne pour aller combatre pour elle : l’un d’eux cherche à éveiller sa vanité, en lui montrant la pomme de glorieuse mémoire ; un autre tend sous ses yeux une coupe pour recueillir ses larmes. Cette pensée, ingénieusement singulière, distrait l’esprit sans doute, et l’écarte du tombeau d’Adonis et de la douleur de Vénus ; on est cependant tenté de la lui pardonner : qu’elle a de sentiment et de délicatesse ! combien d’autres pensées s’y joignent ! On ramasseroit avec avidité une pluie d’or ; rien au monde est-il si précieux