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jours en pointe d’alcool, toujours à la recherche d’une taverne amie où boire un dernier verre, hôte des marchands de vin les moins recommandables, familier des bistros, membre de cette « académie » où l’on débite, rue Saint-Jacques, de l’absinthe en rasades, pour un prix consternant de bon marché et qui met le poison à la portée de tous. L’homme pérégrinait, du soir au matin, dans les endroits où l’on s’enivre. Un troupeau de disciples, gens altérés de gloire et de boissons fortes : pierreuses en cheveux, éphèbes dépourvus de linge, péripatéticiens aux ongles noirs, lui faisaient escorte de café en café, du vieux Procope au jeune Soleil d’Or, accompagnés, parfois, d’artistes, de curieux, de snobs littéraires et de poètes venus là parce que la Muse, comme le feu, rend pur ce qu’elle touche. Et cela faisait un groupe incohérent, plein de mélanges bigarrés et d’éléments contradictoires, où Bibi-la-Purée, avec un abandon évangélique, tutoyait, vers deux heures du matin, Monsieur Robert de Montesquiou. Quant au promeneur objet de ces rencontres, il faisait paraître une charpente