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salon propice aux meuglements des sociétés chorales, aux entreprises dramatiques des calicots lettrés.

C’est là qu’au mois de septembre 1883 je vis Charles Cros pour la première fois. Sur un divan pisseux, entouré de sous-diacres, la plupart imberbes et tous d’une évidente malpropreté, Cros, très allumé, récitait des vers. Des cheveux de nègre et ce teint bitumeux que M. Péladan devait qualifier plus tard d’« indo-provençal » en parlant de sa personne ; des yeux bénins d’enfant ou de poète à qui la vie cacha ses tristesses et ses devoirs ; les mains déjà séniles et tremblotant la fièvre des alcools, ainsi m’apparut le fondateur des Zutistes, le praticien délicat dont le Coffret de santal délectait les curieux d’art, cependant que ses monologues, colportés au jour par la fantaisie de MM. Coquelin, éveillaient dans le grand public le goût de la drôlerie infinitésimale. A chaque strophe de ces pièces, connues pourtant et rabâchées dans l’entourage du grand homme, un frisson d’enthousiasme secouait la buée du pétun et les nidoreuses émanations de l’assemblée.