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sement odorante, jusqu’à l’heure où le jour tombe, cependant que la voix hargneuse des gardiens aboie, à pleins poumons, le cri : « On ferme », qu’accompagne le vacarme des livres qu’on empile et des sièges bousculés.

Une des silhouettes journalières de la Bibliothèque fut, pendant l’Affaire et les années suivantes, le personnage que voici. Représentez-vous un collégien, mis à la mode, comme les figures de cire dont les tailleurs à grande réclame peuplent leurs devantures. Complets de nuances printanières, chapeau couleur de tourterelle avec tout un arc-en-ciel de cravates rose tendre, lin en fleur, eau du Nil, brin de lilas, cuisse de nymphe, jonquille et bouton d’or. Un foulard de teinte complémentaire tombait avec grâce de la poche extérieure, sur le côté gauche du veston. La tête ronde, les cheveux fades, coiffés « en demi-Capoul » sur un visage sans beauté au nez mafflu, aux pâles yeux, à la bouche sans lèvres, mais que relevait une expression de bienveillance et de douceur, les doigts chargés de bagues, la face peinte, maquillée et largement couverte de plâtre, composaient un ensemble,