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phique, aux chants d’une si haute et pure mysticité, guidait vers les caboulots du Quartier Latin. Sans vergogne, Verlaine continuait à boire, se laissait inviter. Les petits verres succédaient aux chopines, à la grande stupeur des « entrants », que sidéraient un peu l’entourage et les façons de Verlaine.

Sur quel terreau la merveilleuse floraison venait-elle s’épanouir ? Encore qu’il eût infiniment d’esprit, de malice et de charme, dans les rares moments où l’Alcool ne le possédait point, le poète de Green, instigateur d’Ubu, employait d’ordinaire le mot national à ponctuer son entretien. Cela faisait un éclat singulier, à travers le brouillard des pipes et la puanteur des breuvages, sur les cris, les gloussements, les pétarades et les cocoricos de cette fantastique ménagerie. A côté d’un vrai poète, Ernest Raynaud, d’esprits éminents, Jules Tellier, Charles Le Goffic, venait s’asseoir l’écume des bouges, des tavernes où l’on boit. Ici, le plus grand poète — après Baudelaire — du Dix-Neuvième Siècle, se harpaillait avec les filles à maçons du Clos-Bruneau ou du quartier Saint-Victor, tandis que