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violences et les guet-apens ? Il suffit d’un juste pour affirmer l’immanence du Droit. Il suffit de Catherine de Sienne, au déclin du Moyen-Âge, pour attester que la conscience humaine vit encore, que la justice et la pitié ne sont pas mortes pour toujours. Et l’hérétique Savonarole, debout sur son bûcher, bientôt donne à la sainte une réplique glorieuse de ses charmes et de ses vertus.


Le temps marche. Les ans s’écoulent. Voici la minute climatérique où le monde chrétien cesse de courir les aventures, où la prose entre dans l’habitude et le commerce de la vie, où le chevalier de Rutebœuf « se décroise » pour prendre part au négoce, labourer son champ et faire valoir ses capitaux.

La « folle cathédrale » a cessé de contenir toute l’âme du peuple. Comme les emmurés sortent de leur tombeau, l’esprit humain s’évade joyeusement de l’in-pace théocratique où, depuis si longtemps, le confinaient ses prêtres et ses rois. Il ne regarde plus au ciel. Vers la terre, il abaisse un long regard, regard de convoitise et d’amour. Il s’oriente vers le temporel, vers l’action et vers la joie. Il proclame la foi nouvelle, foi dans l’énergie et le travail, foi dans la Science qui balbutie encore et tâtonne, hante l’observatoire de l’astrologue et le laboratoire de l’alchimiste, foi dans l’avenir, dans l’âge qui commence, foi, pour tout résumer, en une seule parole, foi de l’homme dans l’Humanité.

La Renaissance est un long voyage de découverte. Si les navigateurs, si le génie humain, d’accord avec le hasard, lui dévoilent, au couchant, des mondes inconnus, d’autres explorateurs, non moins hardis, sans quitter leur maison, fondent la science, retrouvent la nature, et, secouant les dogmes, les préjugés, la torpeur d’une époque moribonde, s’embarquent joyeusement sur la mer des ténèbres, et cinglent d’un grand cœur vers les ports de l’avenir.

Le xvie siècle, déchiré par tant de guerres, de factions, de haines, de révoltes, le xvie siècle, fécond et meurtrier comme la nature elle-même, s’avance le pied dans le sang et le front vers les étoiles. Depuis le jour d’avril 1521 où, sous la protection de la main impériale, Martin Luther poussa contre Rome ce cri d’indignation qui devait changer la face du monde,