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Thiébaud, négligé dans sa mise, est vraiment l’homme à tout faire qui prend ses nippes chez la Belle Jardinière et ses idées chez le fruitier du coin.

Les hasards l’ont fait politicien. Il pourrait, avec la même gloire, exercer n’importe quelle fonction d’ordre misérable. Clerc d’avoué, pédicure, intendant de prince nègre ou, comme disait Hervé, « surveillant du gaz dans une riche famille péruvienne » — colleur d’affiches ou candidat, on ne l’imagine point hors de l’office, des potins et de la domesticité.

Ce fut proprement l’innéité ancillaire qui détermina son orientation vers le boulangisme. Il se vante à présent d’avoir créé le « Prétorien de cirque ». Mais cette gasconnade funèbre n’en saurait imposer à quiconque. Il a suivi en larbin, non précédé en éclaireur, la grande mascarade.

Napoléon III fut le César des riches propriétaires, de l’armée et du clergé ; Gambetta le dictateur des ronds de-cuir, des marchands de vins et des officiers d’académie. Boulanger, à son tour, connut l’omnipotence. Il régna sur les camelots de l’une et l’autre rive. Georges Thiébaud, qu’entraînait son penchant naturel, suivit éperdument ce roi des Halles. Chassé par le comité boulan-