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deaux encenseront votre ciel de nos livres consumés. Dieu des lâches, des ignorants et des malades, Agneau cannibale des autels futurs, en attendant que la myrrhe embaume ton cadavre, salut à toi, Jésus !

Ayant ainsi conféré, les Mages quittèrent l’étable au grand contentement de Jean Rameau qui, sur-le-champ reprit une cantate de formidable longueur. Marie Anne de Keroubim, ayant brisé sa dent mâchelière contre la fève d’un gâteau, l’interrompait de cris aigus.

Mais au dehors les esclaves se lamentaient et, pour assembler les équipages, leurs maîtres les appelaient en vain. L’étoile aux feux changeants avait disparu du ciel. Tout en haut, dans le pâle azur, brillait seul un feu rose que l’aube éteignait déjà.

— Cette flamme que tu vois, dit Gâtha-Spaça au nègre tremblant, c’est l’étoile permanente de la destinée humaine, étoile, qui survivra aux flambeaux mensongers des rites évanouis. Astre de la volupté, lorsque tombe le soir, elle est, à l’aurore, annonciatrice du travail. Le rossignol la salue d’une plainte amoureuse, dans les crépuscules embaumés ; l’alouette, au matin, lui darde sa chanson. Elle guide, sur les flots, l’audace du nautonnier.