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il lui en abandonna plusieurs ; il lui en déroba d’autres, sous prétexte de les mettre en prison. Pompéius Propinquus, procurateur de Belgique, fut un de ceux qu’il laissa tuer sur-le-champ. Il sauva par ruse Julius Burdo, commandant de la flotte romaine en Germanie. Ce chef était en butte à la colère de l’armée, qui l’accusait d’avoir supposé des crimes ; puis dressé des embûches à Fontéius Capiton. La mémoire de Capiton était chérie ; et avec ces furieux, si l’on pouvait tuer ouvertement, il fallait se cacher pour faire grâce, Burdo fut gardé en prison ; et après la victoire, quand les haines furent calmées, on le relâcha. En attendant on livra pour victime expiatoire le centurion Crispinus, qui avait trempé ses mains dans le sang de Capiton, et qui par là était mieux désigné à la vengeance et coûta moins à sacrifier.

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Julius Civilis fut sauvé du même péril. Cet homme était puissant parmi les Bataves, et l’on craignit que sa mort n’aliénât une nation si fière. Or, il y avait au pays des Lingons huit cohortes de ce peuple, formant les auxiliaires de la quatorzième légion, dont elles étaient séparées par le désordre des temps ; et elles ne pouvaient manquer, amies ou ennemies, de mettre un grand poids dans la balance. Les centurions Nonius, Donatius, Romilius, Calpurnius, dont j’ai parlé plus haut furent mis à mort, comme coupables de fidélité, le plus grand des crimes aux yeux de la rébellion. Le parti se grossit de Valérius Asiaticus, lieutenant de la province belgique, dont Vitellius fit bientôt son gendre, et de Junius Blésus, gouverneur de la Gaule lyonnaise, qui livra la légion italique et la cavalerie de Turin, en cantonnement à Lyon. Les troupes de Rhétie ne tardèrent pas un instant à suivre cet exemple, et même en Bretagne personne n’hésita.

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Cette province avait pour chef Trébellius Maximus, méprisé et haï de l’armée pour sa sordide avarice ; et cette haine, Roscius Célius, commandant de la vingtième légion, l’enflammait de plus en plus. Dès longtemps ennemi du général, Célius avait profité des guerres civiles pour éclater avec plus de violence. Trébellius lui reprochait un esprit séditieux et le camp livré à la confusion ; et à son tour il reprochait à Trébellius la misère des légions dépouillées par ses rapines. Au milieu de ces honteuses querelles des chefs, la subordination périt dans l’armée ; et le désordre fut tel que Trébellius, poursuivi par d’insolentes clameurs, même par les auxiliaires, abandonné des cohortes et de la cavalerie qui se rangèrent